Je sais, l'assemblage de ces deux mots a de quoi surprendre.
Que vient faire la médiocrité dans ce chemin de l'Essence?
Je l'ai partagé plusieurs fois: l'Essence, aka une vibration intime qui nous guide est intransigeante: l'énergie sait avec précision ce qui lui convient ou non, mais nous avons du mal à capter les messages quand notre espace mental est saturé d'informations.
Elle peut infuser nos projets et même nous dévoiler des projets beaux, grands, vastes, ambitieux a des endroits où nous n'avions même jamais osé rêver.
Elle peut, de ce fait ressembler à un chemin d'excellence: car petit à petit, avec persévérance, on se rapproche de la sensation d'adéquation entre la vibration et la création, la mise en matière, si tu préfères.
L'inverse, c'est la médiocrité. Et on pourrait croire que si j'honore l'Essence et son excellence, alors j'exècre la médiocrité... mais il n'en est rien!
Ce matin j'ai pris le temps d'écouter le podcast " Vlan!", avec Guillaume Meurice, humoriste, auteur qui vient de sortir un livre sur la médiocrité.
Selon lui, les humains sont médiocres et il faut accepter cela. Se détendre, en rire, même, et avancer avec plus de légèreté.
Et tu sais, j'ai beaucoup aimé cette interview, car quelque part, je suis d'accord aussi avec ce point de vue.
La médiocrité, telle qu'il la voit, je la lie avec la notion d'accepter nos limites: celles de nos corps, ou de notre énergie qui d'un jour à l'autre peut fluctuer.
Accepter que l'humain n'est pas parfait, ça parle aussi de la notion de vulnérabilité.
Dans le chemin que je fais avec mon Essence, ou les chemins de mes clientes dont je suis témoin, il y a un moment où il est nécessaire de faire entrer ce facteur de médiocrité/ limites/ vulnérabilité sur le chemin.
Sans cela, on se rigidifie, tendu.e vers une quête de perfection: car l'Essence en Soi est si vaste, et j'ai envie de dire si "pure" qu'il est probablement impossible de la réaliser seul.e.
Il faut accepter la notion de " faire de son mieux", d'avancer avec tout ce que nous sommes tout en étant infusé par cette Essence, et de comprendre aussi que nous ne pouvons pas faire tout tout.e seul.e .
Dans l'interview, il y a un moment qui me plait particulièrement: quand il parle du fait que quand on met plusieurs personnes médiocres ensemble, quelque chose de beau peut en résulter. C'est tellement juste: ensemble, nous sommes plus que la somme de nos médiocrités.
Nos sensations de médiocrité quand nous sommes seuls deviennent des complémentarités quand nous travaillons avec d'autres, quand nous écoutons attentivement d'autres points de vue, quand nous collaborons.
Il donne de multiples exemples, et je trouve ça super inspirant.
C'est ce que je ressens intuitivement avec l'envie d'ouvrir des espaces Intregritree: des espaces où les échanges, les discussions laissent une grande place à ces co-créations.
Les humains sont fait pour co-créer, et de tout temps, la survie de l'humain s'est organisée autour de la notion de l'ensemble...
Le tout est de créer un ensemble qui ne broie pas l'individualité...
En goûtant notre Essence, en se laissant habiter par sa vibration, il est nécessaire, en même temps de garder un espace ouvert pour inviter d'autres vibrations et points de vue, qui permettent la réalisation de l'oeuvre.
C'était déjà challengeant de se reconnecter soi à son Essence, mais là, ouvrir la dimension de la co-création nous fait monter d'un cran !
Et en même temps, les porteurs.ses de projets le savent: porter seul.e un projet est douloureux, car sans cesse, on se heurte à sa médiocrité et on fait que " ce n'est pas comme on veut", et on peut se décourager, vouloir abandonner en cours de route.
La solitude, quand elle n'est pas choisie, peut se transformer en souffrance et appelle à être transformée en ouverture.
Prendre le risque de l'ouverture, le risque de la transformation par l'énergie de l'autre.
Nos énergies s'altèrent constamment les unes les autres, en se mêlant, en se modifiant... et dans l'absolu, il n'y a pas de problème à vivre du mouvement et de la transformation.
Mais quand on vient d'un monde, d'une éducation où on s'est fait highjacker de Soi-même parce qu'on voulait faire passer les autres avant soi jusqu'à perdre le goût de soi, alors la perspective de travailler avec d'autres peut faire peur.
Tant que notre monde est construit sur des dynamiques de pouvoir dans la relation, l'ouverture d'un projet à d'autres Essence, êtres peut sembler risquée.
Et pourtant, le risque 0 n'existe pas.
Comme je le dis régulièrement, " on n'est pas à l'abri d'un miracle".
Et les miracles , ce sont ces énergies qui se rencontrent, qui s'allient, qui s'alchimisent et qui créent ensemble de nouvelles formes, de nouveaux projets.
Le miracle n'a pas besoin d'être parfait. Il alchimise aussi la médiocrité, la vulnérabilité, les jours avec et les jours sans.
Le monde est plein de paradoxes. De la même manière qu'on sait que dans le temps présent, beaucoup de ressources sont disponibles, nous avons quand même besoin, dans le cadre d'un projet d'avoir des perspectives.
Vivre sans perspective peut être un soulagement ou un enfer.
Un soulagement, quand il n'y a pas de tension sur le fait d'avoir des projets, qui vont apparaitre dans ce temps présent. Dès lors qu'un projet arrive, il a son propre temps de réalisation, comme une plante qui a ses cycles avant sa floraison .
L'enfer, c'est de rester dans une boucle où il n'y a aucune perspective et où les projets sont avortés immédiatement.
Vouloir rester dans l'instant présent devient une hérésie quand le mental veut contrôler ce temps présent. Le temps présent est l'espace de l'accueil. Et dans cet accueil, des projets plus ou moins grands se déposent, chacun avec son propre tempo.
On peut choisir plein de motivations pour choisir un projet: ça peut être une envie d'être ensemble, une envie de s'amuser et de prendre plaisir à, ça peut être parce qu'on a la curiosité de pousser quelque chose jusqu'au bout, un désir brûlant de voir quelque chose d'esthétique être réalisé dans ses moindres détails, ça peut être un désir de trouver la forme et la fonction qui correspond à un besoin humain.
C'est là que les valeurs des personnes vont s'exprimer. Et c'est là qu'il est nécessaire d'avoir une boussole ancrée dans le coeur plutôt que dans l'égo.
Quand le projet de l'Essence devient un projet récupéré par l'ego, qui va essayer de justifier une posture, subtilement ou non, ce projet va résister à la transformation de la rencontre alchimique avec le monde.
Comme j'observe ces processus depuis presque 7 ans, je me suis prise les pieds de nombreuses fois dans les fils du tapis.
Donc je peux témoigner de la délicatesse pas toujours simple de suivre le fil de l'Essence.
Est-ce que pour autant, cela signifie qu'il faut renoncer?
Non. je pense fondamentalement que ça vaut le coup d'avancer, de se tromper, de recommencer, d'affiner, de reconnaitre ses erreurs et sa médiocrité, et de se laisser enseigner non seulement de nos erreurs, mais de l'Essence elle-même et des rencontres avec autrui.
Pour le coup, je porte une opinion/ un jugement peut-être? :
Il y a vraiment beaucoup de personnes engluées, statiques dans le monde. Cette inertie conduit à des choses douloureuses et parfois inacceptables: une insensibilité à la souffrance globale, à la nature, aux animaux....
La sensibilité, voire l'hypersensibilité peut être douloureuse à vivre pour beaucoup de monde, mais elle a un avantage: elle incite souvent à se bouger pour chercher ou trouver de nouvelles voies.
Elle aussi à un coût: celui de la tranquillité. La sensibilité détecte des choses et nous rend insatisfaits.
Mais c'est cette insatisfaction qui crée le mouvement: la Vie utilise tout un tas de systèmes de pression et de contrepression pour nous garder en mouvement, et c'est tant mieux.
La sensibilité nous met en contact avec ce qui n'est pas juste ou intègre mais génère de l'insatisfaction. L'insatisfaction nous met en mouvement pour faire mieux .
Ce mieux, personnellement, m'a amenée à avoir de la curiosité pour l'Essence, qui est assez proche d'un absolu.
Arrive dans l'équation la médiocrité.
Accepter la médiocrité peut permettre de se détendre, d'essayer quand même, mais avec de l'humour pour rire de ses erreurs, accepter celles des autres, et de garder de l'humilité, qui nous permet le "ensemble".
Refuser la médiocrité nous met dans une posture de durcissement: on se met plus de pression à soi ou à l'autre, on s'épuise, on se pousse au burn out dans les cas extrêmes, pour être finalement ramené à un point de départ.
Finalement, quand on accepte d'avancer en dent de scie, avec imperfection, mais sans vivre le retour à la case départ du burn out, on a peut-être plus de chance de réaliser le projet, tout en ayant appris beaucoup de leçons en cours de route et fait des rencontres de coeur.
Récemment, une ancienne cliente, Julie Hautbois, écrivait très justement dans un post:
Tout est affaire de lien. Elle réalisait que finalement, un projet n'est pas juste un projet: c'est un prétexte à se rencontrer dans un cadre, dans une configuration.
Donc, dans tous les cas, garder le coeur ouvert à la rencontre est indispensable.
Et la rencontre se fait avec de l'ouverture, et donc avec une porte ouverte à la médiocrité aussi. A la grandeur et à la petitesse. A l'expérience et l'inexpérience. A la sagesse et à la non-sagesse.
Personne n'est abouti. Personne n'est complet et c'est tant mieux!
Car c'est ainsi que le mouvement de la Vie se fait le mieux, et c'est ainsi que les symbioses peuvent s'organiser: dans la reconnaissance des différences et de la richesse des êtres.
Sur la photo que j'ai choisi en illustration, on voit un pêcheur traditionnel lancer son filet.
Est-ce que tu y vois de la médiocrité ou de la perfection de l'instant?
Accepter ce qui est, notre limite, c'est aussi accepter de faire à hauteur de notre capacité, de nos besoins: dans ce cas de la pêche, il n'est pas besoin de créer un bateau immense pour que soit réalisée la vibration sous jacente de la pêche, de l'apport de nourriture à une communauté, ou peut-être du plaisir de la pêche, selon les configurations.
La limite, le " faire avec peu" a sa propre intelligence.
Elle nous garde de vouloir plus qu'il n'est possible, elle nous ramène aussi à l'utilisation des ressources d'un milieu, de la Nature.
C'est la raison pour laquelle l'intégrité est une danse des paradoxes: il m'est souvent enseigné, inlassablement me semble-t il, que c'est vital d'intégrer tous les aspects dans un point qui s'équilibre. Dès qu'il manque une contrebalance, le mental cherche à le créer, à le fabriquer, et crée plus de distorsions dans l'énergie.
Les énergies savent s'équilibrer toutes seules, à condition de les laisser circuler. Dès qu'on juge quelque chose en mode bien/ mal, on polarise et exclut la polarité honnie, créant une distorsion .
Une vibration puissante de l'Essence peut se cacher dans un acte ordinaire, non spectaculaire. C'est très souvent le cas.
Cette humilité est aussi le cadeau de l'acceptation de notre petitesse.
Elle nous ramène à honorer les petites choses, sans les comparer constamment aux grandes.
On en revient à la notion d'habiter nos moments présents, les petits comme les grands. D'accepter ces moments où on n'est pas au top, mais avancer quand même.
De faire les choses parce qu'on les sent, et non parce qu'on y sera mis.e en scène.
De faire les choses parce qu'on a envie d'expérimenter, d'apprendre plutôt que parce qu'on veut que ce soit déjà terminé et parfait.
Réapprécier le chemin, et avoir de la considération pour les chemins des autres.
Pour moi, la vraie médiocrité est dans le fait de ne pas être en contact avec soi... et pourtant, en réalité, ce n'est pas vraiment un choix: chaque personne fait du mieux qu'elle peut. Dès lors, puis-je réellement juger les personnes non connectée au vivant en soi? Non. Je peux en revanche le sentir, le comprendre, m'attendrir de l'endroits où elles sont et soutenir les élans qui les ramènent à elles.
Pour toucher le coeur de soi, on rencontre souvent ses émotions non digérées, alors c'est intense, et inconfortable. Je peux comprendre que tout le monde n'en ai pas envie, ou pas/ plus la capacité à l'instant T.
Et que ce serait violent de vouloir faire bouger des personnes quand ce n'est pas le moment: tirer sur les ailes d'un papillon qui sort de sa chrysallyde ne sert à rien, à part causer plus de souffrance.
Ce qui m'intéresse, c'est de co-créer avec ceux/ celles qui sont déjà dans ce mouvement, et de pétiller, de rire, de se relever ensemble et de découvrir ce qui se cache sous les capots.
C'est à mon sens le seul moyen de créer des dynamiques qui inspirent, qui réveillent, qui soulagent, qui réconfortent, qui tissent une société vivante.