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Est-ce que nous, blanc.hes occupons tout l'espace avec nos larmes?

20 novembre 2025

Hier, j'ai vu passer une publication qui m'a intéressée sur plusieurs niveaux.

Il s'agit d'une extrait d'une interview de Yabba Blay par Glennon Doyle et Abby Wambach, traduit par @bambula_podcast .

Il y a déjà beaucoup à dire sur la prise de parole de Mme Blay, sur l'écoute de Mesdames Doyle et Wambach : apprendre à écouter, à se taire, c'est tellement important quand on donne enfin la parole à des personnes de couleur sur la question du racisme et de l'occupation de l'espace.

En France, on a encore beaucoup à faire, à questionner, à écouter sur la question du racisme.

Peut-être que tu ne te sens pas concernée, peut-être que tu te dis que ce qui es exprimé là appartient au contexte américain.

Mais s'il te plait, va au delà. Ecoute. Ressens tes émotions, même si c'est du stress, de la tristesse, de la contraction.

Ecoute, Ressens. Laisse poser.

Regarde le monde et constate.

_Aparté_ Chaque pays a son histoire, ses nuances, mais beaucoup d'histoires parlent de massacres et d'appropriations culturelles. Les vainqueurs ont souvent écrasés les vaincus, imposés leur culture, leur religion.

Certains disent que c'est un élan naturel de l'humain, et que comme le monde entier a été façonné ainsi, ce n'est pas la peine de se pencher sur la détresse des personnes de couleurs.

C'est difficile de comprendre apparemment que le racisme est systémique, et qu'il est une question de pouvoirs....

Ce matin, j'écoutais un reel qui rappelait aussi que le racisme ne se tient pas toujours dans les agressions, mais beaucoup dans les omissions, dans les non-privilèges.

Moi je pense que ça vaut la peine de tendre l'oreille, d'écouter chaque nuance car au sein d'une même famille ou d'un même peuple, ça peut être vécu différemment._

Dans le podcast, elle parle des larmes des femmes blanches, et de comment celles-ci font partie d'un arsenal parfois, ou d'un privilège dont peu ont conscience.

Les larmes sont utilisées parfois pour éviter des situations, pour manipuler la personne en face, pour faire plier l'autre, ou en faire la preuve qu'on a raison. En tout cas, certains hommes pointent cela du doigt. Et ici, en tant que personne noire, elle s'adresse aux femmes blanches pour pointer du doigt leur silence face au problème du racisme et des privilèges blancs.

Récemment, je parlais avec une amie métisse, et elle me disait qu'elle n'avait jamais sombré dans la dépression, comme si elle n'en avait pas le luxe.

Une femme noire , si elle pleure, sera moins considérée qu'une personne blanche.

Elle doit avancer, prendre sur elle, travailler plus dur et avancer encore.

Ce qui me touche, c'est que au fond, quand j'observe le monde, c'est vrai.

Le monde s'arrête ( presque) pour les larmes blanches.

Je m'arrête pour les larmes, tout court. Mais une personne de couleur peut ne même pas les montrer.... donc par défaut, on s'arrête majoritairement pour celles qui les montrent.

Maintenant, j'aimerais mettre ça en lien avec une autre observation:

Depuis des années, je regarde les corps se mouvoir.

En 2019, je suis même allée à Cuba pour travailler sur le mouvement somatique du corps, observer que les gens là-bas ont gardé une intelligence du corps, du chaloupé quand nous, européen.ne.s nous l'avons perdu.

Nos corps ne savent plus se mouvoir : mais quand on regarde l'histoire des vêtements en France, par exemple, on constate que les femmes ont du porter des corsets, ont dû apprendre à ne pas rire en public, à ne pas ouvrir la bouche, à ne pas bailler, à ne pas ouvrir leur jambes, à. ne rien montrer.

Elles ont dû se couper de leur vitalité, parfois même de leur sexualité.

La colère n'était pas permise, mais la tristesse, les larmes, la fragilité l'étaient.

Je me demande: est-ce possible que ce soit inscrit dans notre ADN ? ( hell yes!)

Est-ce possible que la façon dont on vit les maladies psychiques d'aujourd'hui , le burn out, les dépressions soit aussi en lien avec cette coupure du corps et inscrit dans notre adn?

Est-ce possible que les larmes, et la difficulté à se relever et à aller au-delà soit le résultat de l'ensevelissement des femmes dans le passé ?

Et maintenant, comment peut-on aller au-delà? Parce que même si chaque histoire s'inscrit dans les corps, il ne s'agit pas de se justifier, de se plaindre.

Il faut avancer, co-créer un nouveau futur.

Pour moi, il y a plusieurs choses à considérer:

Déjà, prendre le temps de considérer le silence des femmes blanches face à l'oppression des femmes de couleurs, leur acquiescement tacite des massacres qui ont eu lieu, leur silence . Peut-être que ces attitudes sont le résultat de siècles d'harrassements et de peurs, mais ça n'excuse pas cette attitude de se mettre du côté de l'oppresseur, plutôt que de ceux oppressés.

Disons qu'il faut ouvrir les yeux, et accepter de rendre des comptes: certes, on n'est pas nécessairement responsable des actions de nos ancêtres, mais on est responsable de notre attitude dans le présent. De notre lucidité. De notre créativité qui peut nous aider à trouver des façons de faire plus justes.

Donc cela suppose accepter d'entendre les émotions: les nôtres et celles des personnes oppressées, même quand ce n'est pas confortable, même quand ça heurte notre ego et notre bien-pensance.

Ensuite, il y a aussi à nous voir faire, nous voir attendre que le monde se penche sur notre misérable cas quand nous sommes en larmes: mais la vérité, c'est que le monde, la Vie ne nous doit rien : elle donne sans compter de la beauté, tous les jours, des paysages, de la nourriture, des enseignements... ce qui nous blesse, c'est le bullshit créé par les humains.

Mais tu sais quoi? nous sommes humain.e.s, alors nous pouvons faire partie de la solution.

Nous pouvons nous lever, et essayer. Nous pouvons nous rassembler, et essayer à plusieurs, nous pouvons essayer plusieurs configurations, jusqu'à trouver la clé.

Il y 'aura toujours de la pression dans la Vie, mais nous pouvons changer, inverser les systèmes: je rêve d'un système où la pression est équilibrée, mais bon on n'en est pas encore là!

Un systèmes équilibré devrait inclure tout le monde: les petits et les grands, les personnes de couleur ou non, les hommes, les femmes, la Nature et tout le Vivant.

Peut-être que je rêve à une utopie, après tout, les humains ont toujours eu des difficultés à vivre ensemble... Byron Katie dirait que je me dispute avec la réalité.

Prenons garde à rêver des choses qui tiennent compte de plusieurs paramètres.

Ne laissons pas notre sensibilité ou nos larmes occuper tout l'espace : prenons garde de laisser de la place à des points de vue différents.

Et surtout... peut-être est-il temps de considérer qu'il y a un après.

Un après les larmes, après les effondrements, après l'écoute il y a autre chose à créer, à co-réfléchir, à vivre ensemble.